Compléments alimentaires, aliments et boissons enrichis, le bilan de l'ANSES

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L’ANSES vient tout juste de présenter son premier bilan de son dispositif Nutrivigilance, dispositif mis en place en 2010 et visant à faire remonter les signalements d’effets indésirables  liés, notamment, à la consommation de compléments alimentaires et d’aliments ou de boissons enrichis. Comme nous sommes un pays grand consommateur de compléments alimentaires en tout genre ainsi que de boissons énergisantes, que l’offre ainsi que les circuits de distribution n’arrêtent pas d’évoluer, tous ces produits qui nous paraissent souvent anodins peuvent toutefois dans certaines conditions s’avérer risqués pour la santé.

Quelle est la mission de nutrivigilance de l’ANSES ?

La mission de nutrivigilance de l’ANSES est d’identifier d’éventuels effets indésirables liés à la consommation de ces aliments afin de renforcer la sécurité du consommateur. Il a notamment permis d’émettre des recommandations sur une dizaine de produits, parmi lesquels les boissons énergisantes, les compléments alimentaires contenant de la levure de riz rouge ou encore de la p-synéphrine.

A quels produits s’intéresse le dispositif de nutrivigilance ?

    • Les compléments alimentaires
      Les compléments alimentaires sont définis comme « des denrées alimentaires dont le but est de compléter le régime alimentaire normal et qui constituent une source concentrée de nutriments ou d’autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique seuls ou combinés ». Il en existe différentes sortes : antifatigues, capillaires, hypocholestérolémiants, défenses immunitaires, vision, etc.
    • Les aliments enrichis
      Il s’agit d’aliments ou de boissons enrichis en substances à but nutritionnel ou physiologique telles que les vitamines, les minéraux, les acides aminés, les extraits des plantes, etc. Parmi eux, on peut citer les boissons « dites » énergisantes et les produits enrichis en phytostérols.
    • Les nouveaux aliments
      Les « novel foods » sont des aliments ou des ingrédients dont la consommation était inexistante dans les pays de l’Union européenne avant le 15 mai 1997. Parmi ces aliments, on peut citer l’extrait d’écorce de magnolia, la gomme de guar, le jus de noni, ou encore la pulpe déshydratée de fruit de baobab.
    • Les aliments destinés à une alimentation particulière
      Ces aliments sont destinés à certaines populations telles que les nourrissons, les personnes intolérantes au gluten, les personnes âgées, etc. qui présentent des besoins nutritionnels spécifiques.

Préalablement à leur mise sur le marché, les nouveaux aliments ou « novel food » font l’objet d’une évaluation des risques par les autorités sanitaires des États membres et d’une autorisation au niveau communautaire, après avis de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Pour les autres ingrédients ou aliments, c’est-à-dire ceux pouvant justifier d’un historique d’utilisation sur le marché communautaire avant 1997, le dispositif est plus souple et ne prévoit pas d’évaluation préalable mais des dispositions spécifiques à chaque catégorie d’aliment. 
Vous souhaitez en savoir plus sur la réglementation autour de ces produits ? Consultez le site de la DGCCRF 

Bilan du dispositif

Les compléments alimentaires : première source de déclarations

En France, selon l’étude INCA 2 menée par l’Anses, un adulte sur cinq et un enfant sur dix consomment au moins occasionnellement des compléments alimentaires ou des vitamines et minéraux sous forme médicamenteuse. Par ailleurs, parmi ces consommateurs, 23 % des adultes et 12 % des enfants en prennent toute l’année ou presque.
Depuis la mise en place de son dispositif de nutrivigilance, l’Agence a reçu plus de 1500 signalements d’effets indésirables. Parmi eux, 76 % sont liés à la consommation de compléments alimentaires et 24 % sont dus à des aliments enrichis ou des denrées destinées à une alimentation particulière.
En matière de compléments alimentaires, plus d’un tiers des cas exploitables concerne les compléments alimentaires minceurs, capillaires et hypocholestérolémiants. Par ailleurs, les principaux effets indésirables recensés sont d’ordre hépatique, digestif et allergique.
Répartition des 1565 cas d’effets indésirables déclarés
Depuis la mise en place du dispositif de nutrivigilance, parmi les cas recevables, les produits majoritairement déclarés sont les compléments alimentaires, représentant 76 % des cas déclarés. Il a donc été choisi de faire un focus sur les compléments alimentaires. Les compléments alimentaires minceurs sont impliqués dans 15 % des cas recevables impliquant au moins un complément alimentaire. Suivent les compléments alimentaires capillaires (11 %) et hypocholestérolémiants (10 %).
Nombre de déclarations par type de compléments alimentaires parmi les 282 cas recevables impliquant au moins un complément alimentaire.*
*La somme des pourcentages est supérieure à 100 % (111 %) car certains cas concernent plusieurs types de compléments
La répartition hommes/femmes des cas signalés est globalement cohérente avec celle des consommations (2/3 de femmes pour 1/3 d’hommes).
Sur les 282 cas recevables impliquant au moins un complément alimentaire, 71 % concernent des femmes et 29 % des hommes.

Effets indésirables déclarés

En ce qui concerne les effets indésirables rapportés au dispositif de nutrivigilance concernant les compléments alimentaires, la majorité des effets indésirables déclarés sont d’ordre hépatique (19,9 %), gastro-entérologique (18,4%), et allergologique (16 %).

ANSES complements alimentaires effets indesirables

Évaluation des risques liés à la consommation de boissons dites énergisantes

Les boissons dites « énergisantes » sont des sodas enrichis qui ont essentiellement en commun leur teneur élevée en caféine. Cette composition en fait des boissons « excitantes » qui peuvent lorsqu’elles sont associées à certains modes de consommation (alcool, sport,…) peuvent générer des accidents cardiaques graves chez les consommateurs porteurs de prédispositions génétiques et généralement non diagnostiquées.
L’analyse des cas reçus a permis à l’Anses d’émettre, en octobre 2013, une série de recommandations à l’attention des consommateurs mais aussi des professionnels de santé :

  • éviter la consommation de boissons dites « énergisantes » en association avec l’alcool ou lors d’un exercice physique
  • être particulièrement vigilants vis-à-vis des apports en caféine, notamment via les boissons dites « énergisantes », en particulier pour les femmes enceintes et allaitantes, les enfants et adolescents, les personnes sensibles aux effets de la caféine ou présentant certaines pathologies (certains troubles cardio-vasculaires, psychiatriques et neurologiques, insuffisance rénale, maladies hépatiques sévères)
  • d’une façon générale, modérer la consommation de boissons caféinées

Par ailleurs, l’Agence a appelé les professionnels de santé, plus particulièrement les médecins, à intégrer la notion de consommation de boissons dites énergisantes au recueil d’information face à des patients présentant des symptômes évocateurs (poussées hypertensives, crises convulsives, etc.) et à demander dans ces situations une mesure de la caféinémie le plus précocement possible 

Évaluation des risques liés à la consommation de compléments alimentaires à base de levure de riz rouge

La levure de riz rouge est une moisissure de couleur rouge cultivée sur du riz et utilisée dans de nombreux compléments alimentaires revendiquant le « maintien d’une cholestérolémie à un niveau normal ».
Dans un avis publié en début d’année 2014, l’ANSES met en évidence que l’usage de compléments alimentaires à base de levure de riz rouge contenant des monacolines (substances proches des statines) peut exposer les consommateurs, notamment ceux particulièrement sensibles du fait de prédispositions génétiques, de pathologies ou de traitements en cours, etc., à des risques pour la santé (notamment des atteintes musculaires et hépatiques).
L’ANSES recommande de prendre conseil auprès d’un professionnel de santé avant de consommer ces produits. Elle précise que ceux-ci ne doivent pas être utilisés par les patients traités avec des médicaments à base de statines, ni par ceux ayant dû interrompre ces traitements suite à l’apparition d’effets indésirables (patients dits « intolérants aux statines »). Ils ne doivent pas non plus être consommés par les personnes sensibles (femmes enceintes et allaitantes, enfants et adolescents, sujets de plus de 70 ans ou atteints de certaines pathologies, forts consommateurs de pamplemousse, etc.).

Évaluation des risques liés à la consommation de compléments alimentaires contenant de la p-synéphrine

La p-synéphrine est présente dans l’écorce d’orange amère (Citrus aurantium ssp. aurantium) et d’autres espèces de Citrus. La p-synéphrine, ainsi que d’autres ingrédients obtenus à partir de fruits de Citrus spp., entrent dans la composition de nombreux compléments alimentaires alléguant une réduction de la masse grasse ou une correction de la composition corporelle.
Dans son avis publié en mars dernier, l’ANSES estime que les apports en p-synéphrine par le biais des compléments alimentaires doivent être inférieurs à 20 mg/jour.
En outre, elle recommande de ne pas associer ces apports supplémentaires en p-synéphrine à de la caféine, et déconseille particulièrement l’ingestion de ces compléments « minceur », lors d’une activité physique et aux populations sensibles que sont les individus sous traitement, les femmes enceintes ou allaitantes et les enfants et adolescents.

Recommandations de l’ANSES

Les déficits et les carences en nutriments sont très rares au sein de la population générale et concernent majoritairement quelques substances spécifiques (vitamine D, etc.) ou des groupes particuliers de la population (femmes enceintes, personnes âgées, populations en situation de grande précarité, etc.).
Dans ces groupes de population spécifiques, des apports supplémentaires en vitamines, minéraux et autres nutriments par les compléments alimentaires peuvent présenter un intérêt mais sur conseil médical.
Pour une grande majorité de la population, une alimentation équilibrée permet d’apporter l’essentiel des nutriments nécessaires pour couvrir les besoins nutritionnels.
L’Anses rappelle que les compléments alimentaires ne sont pas anodins. Leur consommation ne doit pas se substituer à une alimentation diversifiée et devrait être assortie d’un conseil personnalisé auprès d’un professionnel de santé.
Les femmes enceintes et allaitantes, les enfants et les personnes sous traitement médicamenteux devraient notamment, avant de consommer des compléments alimentaires, prendre conseil auprès de leur médecin traitant.
D’une manière générale l’ANSES rappelle qu’il est primordial de :

  • de signaler à un professionnel de santé tout effet indésirable survenant suite à la consommation d’un complément alimentaire
  • de respecter les conditions d’emploi fixées par le fabricant
  • d’éviter des prises prolongées, répétées ou multiples au cours de l’année de compléments alimentaires sans s’entourer des conseils d’un professionnel de santé
  • d’être très vigilant vis-à-vis des produits mis en avant pour des propriétés miracles et/ou vendus en-dehors des circuits traditionnels, notamment par internet

Conséquences de l’avis de l’ANSES

Les différentes expertises que mène l’ANSES ont eu comme premier effet de mettre en lumière certains comportements à risque des consommateurs et d’accroître ainsi leur vigilance.
Sans résoudre l’intégralité des problèmes, elles ont donné lieu à diverses suites, par exemple :

  • Les boissons dites énergisantes, certains fabricants ont revu à la baisse la teneur en caféine de leurs produits
  • Pour les compléments alimentaires contenant de la p-synéphrine, les recommandations de l’Anses en matière de dose journalière maximale et d’interdiction d’association avec la caféine ont été intégrées à l’arrêté du 24 juin 2014 établissant la liste des plantes autorisées dans les compléments alimentaires.
  • Les expertises de l’ANSES sont à l’origine de la mise en place de plusieurs plans de contrôle par la DGCCRF (thé vert, p-synéphrine, méso-zéaxanthine)

Evaluations à venir

  • Evaluation des risques liés à l’apport, au cours de la grossesse, de vitamines et minéraux via des compléments alimentaires
  • Evaluation des risques relatifs à la consommation de compléments alimentaires destinés aux sportifs visant le développement de la masse musculaire et/ou la diminution de la masse grasse
  • Les compléments alimentaires contenant de la spiruline

Les travaux donneront lieu à un avis au cours du premier semestre 2015 

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